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Simplifier la gouvernance des établissements publics de santé ?

Claude Evin - 9 décembre 2020 - Santé
Simplifier la gouvernance des établissements publics de santé ?

L’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le mardi 8 décembre la proposition de « loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ». Ce texte doit, certes, être maintenant examiné par le Sénat. Il (Texte adopté n° 528) donne toutefois de fortes indications sur les modifications législatives qui impacteront notamment les établissements publics de santé.

Le texte voté diffère aujourd’hui sur certains points de la proposition de loi qui avait été déposée sur le bureau de l’Assemblée le 22 octobre (Proposition n° 3470), et c’est heureux.

 

Développer les GHT ?

L’article 7 de la proposition de loi a disparu. Il prévoyait que, pour développer les groupements hospitaliers de territoire (GHT), il faudrait confier systématiquement à l’établissement support du GHT la direction commune de tout établissement partie de son GHT qui se trouverait en situation de vacance de poste de son chef d’établissement.

Dans la logique de la « stratégie de groupe hospitalier public » préconisée par la FHF depuis 2005, il était justifié, dans la loi de janvier 2016, d’obliger tous les établissements publics de santé de rentrer dans un groupement de territoire, tant les communautés hospitalières (CHT) de la loi de 2009, laissées à la seule initiative des établissements, n’avaient pas fait la preuve de leur efficacité. Toutefois, on ne crée par une dynamique de coopération en imposant à des établissements une organisation s’ils n’ont pas réussi à élaborer un projet commun. Les projets médicaux partagés (PMP) qui auraient dû être le fondement même de ces groupements ont été élaborés en 2016 sous la contrainte d’un calendrier très court qui n’a pas permis souvent d’asseoir une véritable démarche de coopération. Et puis, disons les choses clairement, des comportements personnels et humains ont parfois conduit à davantage affirmer l’autorité d’un chef d’établissement support qu’à permettre que se constitue une véritable communauté de travail associant réellement les responsables de tous les établissements du groupement.

Le calendrier conduit les GHT à remettre aujourd’hui en chantier l’actualisation de leur PMP. Cela doit permettre de consolider une offre de soins territoriale en lien aussi avec les autres acteurs de santé qui, au cours de ces toutes dernières années se sont constitués en groupement (notamment les CPTS). Cette démarche peut être aussi l’occasion, au sein des GHT, de retravailler l’organisation et le fonctionnement institutionnel et relationnel. Une telle démarche toutefois ne s’improvise pas et ne peut pas toujours reposer sur la seule bonne volonté des parties. Bien conduite, elle peut, en tous les cas, être autrement plus efficace pour développer la coopération entre les établissements publics que l’obligation d’aller à marche forcée vers des directions communes.

 

L’organisation interne des établissements publics et leur gouvernance sont modifiées

Le service est réhabilité, mais les établissements pourront s’organiser comme ils l’entendent

L’article 5 réintroduit le service hospitalier comme « échelon de référence en matière d’organisation » et restaure la fonction de chef de service dans un nouvel article L. 6146-1-1. Pourquoi pas puisque cette réhabilitation a été demandée dans le cadre du Ségur de la santé ? Eternel débat sur l’organisation interne des établissements publics dont il faut quand même rappeler que l’article L. 6146-1 du code de la santé publique, toujours en vigueur, indiquait déjà que « les établissements publics de santé définissent librement leur organisation interne ». Cet article, qui n’a donc pas été modifié, indique aussi que « le directeur définit l’organisation en pôle d’activité conformément au projet médical de l’établissement ». Evitons donc l’opposition « service / pôle ». Si le service permet d’améliorer l’encadrement de proximité des équipes, il répondra à l’intérêt des personnels et des patients. Ce ne sera pas le cas s’il renforce l’atomisation des établissements.

Et puis, de toute manière, les établissements pourront « décider d’organiser librement le fonctionnement médical et l’organisation des soins » « par dérogation aux articles L. 6146-1 et L. 6146-1-1 » après avis conforme de la CME et de la commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique et après avoir consulté le CTE. (voir le nouvel article L. 6146-1-2 introduit par l’article 8 du texte).

 

La possibilité de créer une commission médico-soignante au sein des établissements

Cette disposition survivra-t-elle à la suite des débats parlementaires ou à sa publication ? On peut en douter au regard de la position exprimée par la conférence des présidents de CME de CH. Il faut toutefois préciser que le texte tel qu’adopté en première lecture ne fait pas obligation de fusionner la commission médicale d’établissement et la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques. La démarche ne peut être décidée par le directeur que sur proposition conjointe des présidents de chacune de ces deux commissions.

A noter, par ailleurs, que la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-technique sera à l’avenir appelée à donner son avis concernant le programme d’investissement des équipements médicaux déterminé par le directoire de l’établissement.

 

Le directoire est élargi

Le nombre de membres du directoire passe à 9 membres dans les CH et à 12 membres dans les CHU. Un membre du personnel non médical y fait son entrée. Par ailleurs, après avis conforme du président de la CME, et concertation avec le directoire, le directeur peut nommer, au plus, trois personnalités qualifiées qui peuvent notamment être des représentants des usagers ou des étudiants et qui participent aux séances du directoire avec voix consultative.  

 

Mais la gouvernance de l’établissement peut aussi être organisée librement

Ces différentes modifications pourront donc s’appliquer de manière générale dans les établissements, mais il est laissé aux établissements la possibilité de s’organiser différemment et donc librement.

Un nouvel article L. 6149-1 ouvre en effet la possibilité au directeur de l’établissement et au président de la CME de décider conjointement, pour « organiser librement le fonctionnement médical, les soins et la gouvernance » au sein de l’établissement, de déroger aux dispositions du code de la santé publique relatives au directoire, à la commission médicale d’établissement et à la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, après avis de ces deux commissions ainsi que du CTE et du conseil de surveillance. Des modalités de participation des personnels à ces structures ainsi que leur expression en leur sein pourront être envisagées.

 

Les parlementaires pourraient siéger dans les conseils de surveillance

Un nouvel article prévoit par ailleurs que « Les parlementaires sont membres de droit du conseil de surveillance d’un établissement public de santé de leur département. ». Cette disposition qui avait déjà été introduite dans un débet parlementaire précédent puis abandonnée ne permettrait pas toutefois aux parlementaires de présider les conseils de surveillance, le code électoral confirmé par plusieurs décisions du conseil constitutionnel s’y opposant.

 

Le projet d’établissement s’enrichit

Il devra comporter un projet de gouvernance et de management dont l’objet est de définir « les orientations stratégiques en matière de gestion de l’encadrement et des équipes médicales, paramédicales, administratives, techniques et logistiques, à des fins de pilotage, d’animation et de motivation à atteindre collectivement les objectifs du projet d’établissement », ainsi qu’un « volet  éco-responsable qui définit des objectifs et une trajectoire afin de réduire le bilan carbone de l’établissement. » 

Le projet médical est mieux défini. L’article 5 Bis introduit par amendement au cours des débats parlementaires renforce le contenu du projet médical d’établissement dont il faut bien reconnaître que la rédaction de l’article L. 6143-2-2 du ce de la santé publique ne lui donnait pas une grande consistance. Heureusement là encore que ce que la loi n’a pas prévu n’empêche pas de prendre des initiatives.

 

Le service d’accès aux soins …

… entre dans la partie législative du code de la santé publique (nouvel article L. 6311-3), mais la définition qu’en donne ce texte ne nous éclaire pas beaucoup sur son fonctionnement, les modalités de mis en œuvre de cet article devant être fixées par voie réglementaire.  

 

L’intérim médical sera mieux encadré

Les comptables publics pourront bloquer les rémunérations des contrats d’intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation et les agences régionales de santé pourront dénoncer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers.

Il s’agit d’une disposition qui devrait éviter les surenchères parfois inadmissibles de la part de certains praticiens. Mais les établissements qui ont recours à l’intérim médical ne le font pas de gaité de cœur. Il s’agit pour eux de face à des pénuries liées à la réalité de la démographie médicale, alors qu’ils doivent continuer d’assurer le service public. S’ils sont confrontés à une impossibilité de recruter des médecins, il faudra que les pouvoirs publics en tire les conséquences en termes d’organisation territoriale de l’offre de soins et les assument.    

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